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Les métaux physiologiques

Cette interview du docteur en sciences Jean-Claude Leunis, fera réfléchir les médecins et ouvrira de nouvelles possibilités diagnostiques.

« Elle leur permettra également de ne pas prescrire des oligométaux sans savoir si le patient en manque. Seule la pratique donnera de l’expérience dans les interprétations des résultats et permettra de compléter leurs analyses. » (Dr. Sc. J-C Leunis). Depuis 1983 votre laboratoire est connu pour le dosage des métaux dans le sang complet. Pourriez-vous nous expliquer ce qui vous a conduit à effectuer ce type de dosages ?
Q. En fait il s'agit d'un intérêt scientifique qui date, si j'ai bonne mémoire, de 1972, il y a donc plus de quarante ans.
A cette époque, je travaillais dans un domaine passionnant qui est celui de la catalyse enzymatique et vous savez certainement que pour étudier l'activité d'une enzyme il faut d'abord l'isoler et passer par diverses étapes de purification avant de pouvoir en mesurer les constantes cinétiques (Km). La purification d'une protéine douée de pouvoir de catalyse entraîne souvent une désactivation. Pour comprendre cette perte d'activité il fallait chercher le pourquoi. On sait que toutes les enzymes sont des protéines et que leur structure est donc instable.

R. Bien sûr mais nous respections les conditions biochimiques d’isolement et malgré cela nous obtenions pour certaines enzymes des rendements très faibles en terme d’activité.
Q. Pensez-vous que vos méthodes de purification entraînaient une destruction de la structure ou une perte de cofacteurs d'activité ?
R. Très bonne question, vous avez raison, nous perdions quelque chose qui ne faisait pas partie de la structure protéique. Nous avions perdu un cofacteur indispensable à l’expression de l’activité. Mais comment retrouver ce qui fut, si j’ai bien suivi, perdu en cours de purification?
Q. Parmi les nombreuses étapes de purification d'une protéine ou d'une enzyme il en existe plusieurs qui peuvent conduire à des pertes de cofacteurs. Parmi celles-ci, la dialyse et la chromatographie sont des méthodes mises en cause. Nous avons commencé par mettre la dialyse soit la première étape de purification en cause. C’est l’étape préliminaire à la séparation chromatographique. En effet, il n'y a que les molécules de faible poids moléculaire qui sont dialysables, les enzymes et les protéines de par leur poids moléculaire élevé ne passent pas le membrane de dialyse. Nous avons donc mesuré l'activité de nos enzymes purifiés en y ajoutant le liquide de contre dialyse. Et nous avons récupéré le pouvoir catalytique de notre enzyme.
Q. C'est magnifique, mais il fallait encore pouvoir identifier la nature de la molécule de faible poids moléculaire responsable de ce regain d'activité catalytique. Aviez-vous une idée de l'agent responsable ?
R. Oui, nous pressentions la molécule ou le type de facteur responsable. Les solutions n’étaient pas multiples, ou bien il s’agissait d’une molécule organique de faible poids moléculaire ou bien il s’agissait d’un cofacteur du règne minéral. Les deux sont dialysables s’ils ne font pas partie intégrante de la structure covalente d’une protéine enzymatique.
Q. Lorsque vous parlez d'un cofacteur du règne minéral dois-je comprendre que vous faites allusion à un élément du tableau de Mendeleïev ?
R. Exactement, car mis à part certains cofacteurs organiques agissant dans les réactions d’oxydo-réduction telles que certaines vitamines, les autres cofacteurs sont des métaux qui sont présents en très faibles concentrations. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on les appelle des oligo-éléments.
Q. Les enzymes sont des catalyseurs qui régulent notre métabolisme. Alors si ces oligo-métaux sont indispensables au bon fonctionnement de nos enzymes, peut-on concevoir la Vie sans les oligo-éléments ?
R. Non, car les métaux jouent le rôle de catalyseur d'un catalyseur et sans la présence de cofacteurs métalliques il serait impossible de concevoir la Vie et vous vous rendez compte que la Vie pour se développer sur la Terre tire parti à la fois du règne organique et du règne minéral.
Q. Avez-vous une explication à cette symbiose entre des métaux et les fonctions organiques qui règlent notre métabolisme ?
R. Oui bien sûr, pour vivre nous devons avant tout respirer et il est impossible de concevoir la vie sans oxygène.
Q. Mais il existe cependant des organismes vivant sans oxygène, on les appelle des anaérobies comme par exemple certaines bactéries qui meurent au contact de l'air.
R. C'est exact la Vie a commencé sur Terre dans une atmosphère exempte d'oxygène et de nombreuses espèces se développèrent en anaérobiose mais lorsque l'oxygène diatomique (O2) apparut comme produit de dégradation de la photosynthèse chlorophyllienne le choc oxydant fut terrible et la majorité des espèces disparurent, hormis celles vivant à l'abri de l'air. Il ne resta sur Terre que les organismes qui furent capables de neutraliser un oxydant tel que l'oxygène moléculaire – O2.
Q. D'accord, mais où est le lien avec les oligo-éléments et les métaux ?
R. N’oubliez pas que si notre sang est rouge c’est parce que nos globules rouges sont des transporteurs d’une protéine qui contient du fer, l’hémoglobine, qui est en fait une globuline à laquelle est associé quatre groupes « hème » qui contiennent chacun un atome de fer. Ce sont les atomes de fer qui confèrent la couleur rouge au sang. Ce sont aussi ces quatre atomes de fer qui vont transporter vers les tissus les molécules d’oxygène présentes dans l’air que nous respirons. L’hémoglobine sans ses groupes hémiques devient une globuline incolore. Un globule rouge est un petit sac incolore s’il ne contient pas l’hémoglobine.
Q. Très bien voilà déjà un métal qui joue un rôle vital puisqu'il transporte l'oxygène contenu dans l'air que nous respirons. Mais le fait de transporter l'oxygène ne lui enlève pas son pouvoir oxydant.
R. Non, vous avez raison car pour neutraliser un oxydant il faut faire appel à un réducteur.
Q. Et les métaux sont des réducteurs puisqu'ils sont capables de donner des électrons.
R. C'est effectivement grâce à des métaux couplés à des enzymes que la Vie a pu se développer.  Car pour concevoir la Vie telle que nous la connaissons, il fallait pouvoir réduire l'O2 en eau (H2O)  tout en conservant l'énergie associée à cette molécule d'oxygène.
Q. Je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire par " l'énergie associée à la molécule d'oxygène ".
R. Le soleil irradie l'air et la molécule d'O2 a emmagasiné l'énergie nécessaire à sa formation à partir de deux atomes d’oxygène (O) couplés par la mise en commun de deux électrons. On a mesuré qu'une molécule d'oxygène véhicule une énergie équivalente à plus de 1 Volt, exactement 1070 millivolts. Nous respirons environ 8.500 litres d'air par jour et l'air contient de  l’ordre de 21 % d'oxygène diatomique. Vous vous imaginez ainsi le potentiel d'oxydation que nous inhalons chaque jour et qu'il va falloir neutraliser sans perdre cette précieuse énergie stockée dans le liaison O-O.
Q. Notre organisme va donc devoir réduire l'oxygène et récupérer l’énergie stockée dans la molécule O2 soit les 1070mv.La réduction complète de la molécule O2 ne peut quand même pas se réaliser en une seule étape, n'y a-t-il pas des risques de surchauffe au niveau cellulaire ?
R. Effectivement, si vous voulez passer de 1070 mV à 0 mV en une seule étape vous risquez une surchauffe du conducteur, c’est la raison pour laquelle l’adaptation à l’oxygène fut progressive; elle fut en fait parallèle à l’augmentation de la concentration en O2 qui n’atteignait pas à l’origine les 21 % que nous respirons actuellement.

Cette adaptation fut donc progressive et le sommet en est ce que l’on appelle la « chaîne respiratoire phosphorylante ». Cette chaîne respiratoire se situe au sein de toutes nos cellules et s’appelle la mitochondrie. C’est une véritable centrale électrique qui produit donc de l’énergie.
Q. Notre organisme s'est donc équipé d'un système nous permettant de réduire l'O2 tout en conservant l'énergie de la formation de la molécule d'oxygène. Est-ce à ce niveau que nous allons retrouver les oligo-éléments que vous dosez ?
R. Oui, car la réduction de 1’O2 en H2O va se faire par paliers de transferts d’électrons ou si vous préférez par paliers de transferts des hygrogène sous la forme de protons H+ liés à des vitamines vers des composés que l’on peut, au sein de la cellule, comparer à des révélateurs photographiques dans lesquels des métaux tels que le fer (Fe) et le cuivre (Cu), jouent des rôles de relais électroniques.
Q. Comment l'énergie, associée à la molécule d'oxygène qui sera réduite en molécule d'eau va-t-elle être récupérée ?
R. Rappeliez-vous que l’adaptation à l’oxygène avait mis en place une chaîne de transfert d’électrons que l’on a dénommée  » la chaîne respiratoire phospho­rylante « .

La cellule va utiliser le phosphore (P) pour conserver l’énergie qui est contenue dans la molécule d’oxygène.

Pour ce faire, la cellule a besoin de magnésium (Mg) qui est en fait le cofacteur des enzymes de phosphorylation qui catalysent la formation de la molécule ATP (adénosine triphosphate)  dont nos muscles ont besoin comme source de mobilisation rapide d’énergie.
Q. Si j'ai bien compris, chaque étape de la chaîne respiratoire est formée d'une réaction d'oxydo-réduction catalysée par des enzymes dont les oligo-éléments sont les cofacteurs. On peut donc les appeler des métallo-enzymes dans lesquels le Fe, le Cu et le Mg sont indispensables.
R. Mis à part le magnésium (Mg) qui est indispensable au stockage et à la libération de l’énergie, il est tout à fait exact de dire que nous ne pourrions pas utiliser l’oxygène sans la présence de cuivre (Cu) et de fer (Fe).
Q. Vous n'avez pas encore parlé du manganèse (Mn) ni du sélénium (Se). Ces éléments ne jouent-ils pas également un rôle dans l'adaptation à l'oxygène ?
R. Vous avez parfaitement raison, le Se et le Mn sont des éléments vitaux bien qu’ils n’agissent pas au niveau de la chaîne respiratoire, ils sont impliqués dans des processus de détoxification de certains produits d’oxydation que l’on connaît sous le nom de « radicaux libres ».
Q. Y a-t-il donc des risques de formation de radicaux libres lors de la réduction de la molécule d'oxygène au niveau de la chaîne respiratoire ?
R. Oui, car la réduction d’une molécule d’O2 en deux molécules d’eau ou 2H2O nécessite le transfert de 4 électrons ( 4e). Si, pour des raisons trop longues à expliquer ici, seulement 2 e devaient   être transférés, on obtiendrait du peroxyde d’hydrogène (H2O2) ou eau oxygénée. Si 1 seul électron venait à être transféré, on formerait l’anion dimère superoxyde O. 2 .
Q. Ces oxydants hautement réactifs sont-ils très toxiques pour nos cellules?
R. La cellule est équipée de plusieurs systèmes de protection qui agissent à des niveaux différents.

Nos cellules se protègent grâce à la superoxyde dismutase, la fameuse SOD  dont le cofacteur est le manganèse (Mn) si on se situe dans la mitochondrie et les cofacteurs Cu et le Zn si on dismute dans le cytoplasme.

Il existe donc deux SOD se différenciant par les cofacteurs métalliques. La SOD élimine l’anion superoxyde  par réduction avec des protons. 
Q. Il se forme dans ce cas de l'eau oxygénée tout aussi toxique. Comment nos cellules vont-elles pouvoir éliminer l'H
2O2 ?
R. Tout dépendra du niveau cellulaire où l’on se trouve. Dans le cytoplasme et dans les membranes c’est le sélénium (Se) qui active la Glutathion peroxydase, tandis que la catalase agit dans les peroxysomes. La catalase travaille sans cofacteur. Dans les peroxysomes l’énergie n’est pas récupérée, nous la perdons sous la forme de chaleur dissipée. D’où des épisodes de fièvre lorsque les globules blancs sont mobilisés lors d’infections. Les globules blancs que nous utilisons sont armés pour tuer les microbes par oxydation.
Q. Peut-on dire que les éléments Mn-Cu-Zn et Se agissent en synergie ?
R. Exactement, d’où l’importance de connaître leur concentration dans le milieu intracellulaire puisque tous les éléments dont nous avons parlé jusqu’à présent se situe à l’intérieur de nos cellules.
Q. Le dosage des oligo-métaux dans le sang total permet donc au médecin d'obtenir  des renseignements différents que ceux obtenus par dosage sur sérum ou sur plasma.
R. Oui, pour la simple raison que les éléments impliqués dans les réactions  de   neutralisation des radicaux libres se situent surtout dans les compartiments intracellulaires et non dans le plasma sanguin ou à fortiori dans le sérum.
Q. L’interprétation des résultats est-elle différente de celle des résultats obtenus sur plasma ou sur sérum ?
R. Effectivement, mais elle est facilité par la connaissance la répartition des éléments entre l’intra et l’extracellulaire.  Les éléments tels que le fer, le potassium, le phosphore, le magnésium, le manganèse et le zinc sont nettement plus concentrés dans le globule rouge ou l’intracellulaire que dans le plasma.  Le sodium, le calcium et même le cuivre (couplé à la céruloplasmine) sont surtout retrouvés dans l’extracellulaire c’est-à-dire dans le plasma sanguin.
Q. Il est assez fréquent de retrouver chez certains patients un fer sérique bas alors que votre laboratoire me sort des résultats de fer élevé sur sang complet. Comment expliquer une telle différence ?
R. Les normes du fer dosé sur sérum sont de 500 microg à 1700 microg par litre, soit de 0.5 mg à 1.7 mg/L.  Tandis que sur sang total les normes sont de 450 à 570 mg/L.  Cette énorme différence est due au fer du globule rouge et est de ce fait  liée au nombre de globules rouges.  Un fer élevé sur sang complet est toujours accompagné d’une augmentation du potassium et parfois du magnésium et du zinc si ces éléments sont en concentration normale chez votre patient. En d’autres termes les résultats de ces deux éléments peuvent se retrouver dans les normes et donc ne pas suivre l’augmentation du K et du Fe. Etant donné qu’ils sont à localisation intra-globulaire, il s’agit d’un artefact et il faut considérer que le patient manque de zinc et de magnésium. Une augmentation de Fe et de K sur sang total doit toujours être corrélée à un examen hématologique avec comptage des réticulocytes.  L’augmentation du Fe que vous décrivez est souvent le reflet soit d’une hypoxie (par exemple chez les fumeurs dont le fer de l’hémoglobine lie de monoxyde de carbone – CO), soit de la prise en excès de réducteurs comme la vitamine C soit encore liée à un excès de vin rouge. Le Fe trop bas sur sérum est souvent le signe d’une infection et dans ce cas il faut corréler le résultat avec les globules blancs et la formule leucocytaire.  Vous voyez que les résultats que vous décrivez sont possibles, un fer sérique bas peut effectivement exister avec un fer élevé sur sang total.
Q. L’inverse est-il possible ?
R. Oui, dans le cas d’une anémie.

Jean-Claude Leunis
Jean-Claude Leunis
Né à Bruxelles le 18 janvier 1941, Jean-Claude Leunis est licencié en Sciences Chimiques de l’ULB en 1966. Tout en travaillant dans le service de biologie clinique de l’hôpital universitaire Brugmann, de 1972 à 1978, il effectue une thèse de doctorat sous la direction du Professeur Graham Jamieson directeur des recherches du laboratoire de l’American National Red Cross à Bethesda (Maryland).Il étudie l’adhésion des plaquettes au collagène subendothélial lors de la formation d’une thrombose. Cette thèse fut publiée dans Biochimica Biophysica Acta en 1980.(1) Le Professeur Paul Spehl, fondateur de la Fondation Médicale Reine Elisabeth, lui octroie une bourse du FMRS pour ses premiers déplacements à Bethesda. La Ministre Simone Veil lui octroie un subside dans le cadre d’une collaboration de recherches avec l’Université de Bordeaux. Il est nommé consultant scientique de la Croix Rouge étasunienne en Europe. En 1967, il rencontre le Dr. Pol Henry fondateur de la gemmothérapie. Il s’intéresse à la phytothérapie et collabore avec le Dr. P.Henry à la mémoire duquel il a écrit ce livre. J.C.Leunis développe une série de tests permettant d’établir une corrélation entre la phases d’évolution d’une pathologie et les plantes permettant une régression de ces phases. Il quitte l’hôpital universitaire et développe son propre laboratoire de biologie clinique en 1982 1.The distribution of collagen : glucosyltransferase in human blood cells and plasma. Leunis JC, Smith DF, Nwokoro N, Fishback BL, Wu C, Jamieson GA. Biochim Biophys Acta. 1980 Jan 11;611(1) : 79-86. 2. Le Bouleau, sa position dans le cycle forestier et ses propriétés anticancéreuses. J.C.Leunis - La Phytothérapie Européenne n°112 SEPT/OCT 2019 et en 1983, il crée son laboratoire de recherches en cancérologie. Il dépose plusieurs brevets dans ce domaine et reçoit quelques subsides du FNRS. Il est membre de diverses sociétés telles que la Société Belge de Biologie Clinique, la Société Médicale d’Etudes des Oligo-Eléments Traces, la Société Française de Biologie Clinique et Membre fondateur de la Société grecque d’ethnopharmacologie.

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